La Planète Six

President Mix

Les beaufs au pouvoir

La démocratie, c’est donner le droit aux peuples de choisir ses propres dirigeants. Et à ce petit jeu, on sait combien l’image des prétendants au pouvoir est importante. Elle se doit de refléter l’image que les citoyens se font de leur propre personne.

Que l’on se souvienne de la droiture d’un De Gaulle, de la puissance tranquille d’un Mitterrand, de la posture d’acteur hollywoodien de Kennedy ou de l’attitude hype & cool d’Obama. Quoi que l’on pense de leurs politiques, ces personnages ont marqués l’histoire par une certaine conception du métier de président qui leur impose de placer l’élégance au premier plan mais aussi d’une certaine responsabilité vis à vis de leurs électeurs. Leurs actions étaient censés être l’aboutissement de mûres réflexions s’appuyant sur diverses études et bénéficiant de leur propre expérience d’homme politique. Leurs bons mots se répétaient dans les diners en ville et finissaient dans les livres d’histoires.

Mais avoir la classe ne fait pas toujours le bonheur des peuples.

Les crises économiques ont le défaut de jeter un discrédit sur les dirigeants du moment quand bien même elles trouvent leurs origines dans des causes structurelles mises en place de longue date. La crise de 2008, déclenchée par une course au crédit lié à la spéculation immobilière, n’échappe pas à la règle. Les années de récession qui l’ont suivit ont entrainées un renouvellement du personnel politique et permis l’émergence de nouvelles formes revendicatrices telles que Podemos en Espagne, Syriza en Grêce, Mouvement 5 étoiles en Italie, le Parti Pirate en Suède, NPA en France. On peut aussi évoquer le mouvement des Indignés, celui d’Occupy Wall Street sans oublier les printemps arabes. Dans leur immense majorité, ces mouvements ont cependant échoués à redonner aux classes moyennes le pouvoir d’achat qui était le leur avant la crise, déclenchant un énorme ressentiment à l’égard de tout le système politique.

Aujourd’hui, les citoyens se tournent donc vers des personnages parlants un langage direct, voire très crû, appelants un chat une chatte, qualifiants l’ensemble de la classe politique de pourrie, se revendiquants hors système et n’hésitants pas à désigner les minorités comme boucs émissaires de problèmes résiduels.

C’est ainsi que la démocratie américaine vient d’élire Donald John Trump à sa tête. L’incarnation même du rêve américain et de ses dérives.

Petit-fils d’un coiffeur allemand émigré aux Etats-Unis pour échapper à son service militaire et qui deviendra riche en fournissant jeux d’argent, alcool et prostitués aux chercheurs d’or de l’ouest américain, héritier par son père, Donald a fait fructifier sa fortune familiale grâce...au crédit et à la spéculation immobilière. Lui qui profita grandement de la mondialisation l’accuse aujourd’hui de tous les mots et propose de redonner sa grandeur aux Etats-Unis en se félicitant que sa célébrité lui permette "d’attraper les femmes par la chatte sans que celles-ci n’osent rien dire", et qu’il convient de les "baiser comme des putes". Bref, c’est la fête.

La victoire de Donald Trump à la présidence de la première puissance mondiale symbolise donc l’arrivée des red neck au pouvoir et érige les discussions de comptoirs en pensée politique. Elle fait suite à l’élection de Recep Tayip Erdogan en Turquie et de Rodrigo Duterte aux Philippines. Ce dernier, entre deux tirades qualifiant Obama de "fils de pute", propose régulièrement de régler le problème de la toxicomanie dans son pays en assassinant tous les drogués. Quand à Erdogan, il promet de rétablir la peine de mort tout en suggérant d’amnistier les auteurs d’agression sexuelle sur mineurs. Ces trois là peuvent remercier leur maitre à tous, Vladimir Poutine, celui qui a instauré l’image du macho passéiste en tant que chef suprême. C’est certainement de lui qu’ils auront appris à s’exprimer devant un public.

Quand les paroles d’Obama étaient remixées avec du funk, celles de Trump sont associées à de la house. Autrement dit, remisez coupe afro, pattes d’eph et chemise bariolée. Désormais, c’est de poppers dont nous avons besoin.