La Planète Six

Musique et environnement Ep.6

Symphonie des Sirènes

Un jour d’automne 1922, un homme se tient sur le plus haut toit de Bakou, capitale de la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. D’un bras sûr, il tire un coup de feu en l’air et aussitôt une sirène d’usine se déclenche. Il agite ensuite des drapeaux et débute alors le plus grand et le plus improbable orchestre de l’histoire de l’humanité.

A ses gestes obéissent les cornes de brume des navires de la flotte de la mer Caspienne, les sirènes des usines de la capitale azérie, vingt-cinq locomotives à vapeur, un hydravion, des canons et des mitrailleuses, des camions et des bus. Les habitants de Bakou forment des chœurs et entonnent l’Internationale sous la direction de cet homme, le compositeur et chef d’orchestre Arseny Avraamov. Peu à peu, le port de la ville se transforme en une gigantesque salle de concert pour une musique avant-gardiste jouée bien avant les Stockhausen, Berio, Schaeffer ou encore J-M Jarre.

Ce concert unique, dont aucun enregistrement n’existe, est donné à l’occasion du 5e anniversaire de la révolution bolchévique. Avraamov y célèbre la puissance militaro industrielle de la ville après que la libération du joug tsariste a apporté à la population la faim, du sang et des larmes et que les espoirs de démocratie s’effacent peu à peu. Il convient donc de redonner de l’ampleur à la révolution et d’annoncer la conversion de la ville, ancienne « Paris du Caucase » à la riche vie culturelle, en l’un des grands centres administratifs et industriels de l’Union soviétique et qui sera lors de la seconde guerre mondiale le principal centre d’approvisionnement en combustible de l’aviation et des blindés, contribuant de manière importe à la victoire de l’URSS.

El Rozé nous offre ici une reconstitution de ce concert par Leopoldo Amigo et Miguel Molina réalisée à partir de sons enregistrés et d’après les instructions laissées par le compositeur.