JamaiC
Au XXIs, les musiques jamaïcaines se trouvent face à un paradoxe.
D’un coté, elles deviennent populaires à l’échelle planétaire : toutes les musiques "urbaines" que l’on aiment, elles viennent de là, elles viennent de Jamaïque. D’un autre, elles s’essoufflent sur leur propre territoire.
Tandis que les Jay-Z, Mariana Grande, Drake, Nicki Minaj, Pharrel Williams, précédés des Eurythmics, UB40, Culture Club, et autres squatteurs des hits-parades s’en servent comme ingrédient de base de leurs succès en les rendant soluble dans le mainstream, les jamaïcains choisissent de radicaliser leur musique. De festif, le Dancehall devient peu à peu macho tendance homophobe. La quasi intégralité des textes dépeint le sex-appeal de leurs auteurs, apparemment irrésistible, et la dextérité avec laquelle ils manipulent leur troisième jambe. Alors d’abord, c’est vulgaire. Ensuite, ça fout des complexes. Et puis niveau musical, ben ça tourne en rond, rompant avec l’inventivité qui caractérisait la petite île des Caraïbes depuis plus de trente ans.
Alors, ceux qui veulent continuer à avancer n’ont d’autres choix que de choisir l’exil. Ca tombe bien : le monde entier leur ouvre les bras. La culture jamaïcaine se diffuse à travers toute la planète et partout fleurissent des sounds-systems qui entretiennent la flamme. De Santagio du Chili à Genève en passant par Tokyo et Moscou, les artistes estampillés "Kingstown" ont la cote et les "featurings" se multiplient. Jusqu’à l’apparition d’une nouvelle génération.
Car la créature échappe peu à peu à ses créateurs. Non content de s’approprier le langage, les tenues vestimentaires, la nourriture et bien sûr la forme créative, les nouveaux sounds se fondent dans la culture locale. On fait désormais du reggae en japonais, en espagnol, en hindi, et même en occitan. L’âme d’une petite île du Pacifique est devenu patrimoine mondial de l’humanité.