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Aux premières heures du 18 août 1969, alors que Jimmy Hendrix termine de faire jaillir de sa Stratocaster écrue une mémorable reprise de l’hymne américain sur la scène de Woodstock, déjà considéré comme le plus grand festival de tous les temps, les dernières dizaines de milliers de jeunes hippies couverts de boue qui viennent d’y passer 3 jours sous la pluie doivent se résoudre à l’idée : l’une de leur idole, Bob Dylan, pourtant voisin du lieu où se déroule l’événement que les organisateurs souhaitaient transformer en un gigantesque hommage à son travail, ne jouera pas. Et pour cause. Il se trouve à 5500 kms de là.
A cette époque, Bob Dylan n’est pas encore le chrétien born-again qu’il deviendra à la fin des années 70, ni le prix Nobel de littérature de 2016. Mais tout simplement, pour des millions d’adeptes à travers le monde, le pape de la contre culture. Il vit depuis son grave accident de moto survenu quelques années auparavant en quasi réclusion dans sa maison de Woodstock. Son père est décédé un an plus tôt, son fils est malade et sa femme attend un nouvel enfant. Bref, c’est pas le moment de le gonfler. Alors quand des milliers de fans cognent inlassablement à sa porte dans les semaines précédant le festival, Dieu préfère mettre les voiles. Emportant dans son arche femme, enfants, musiciens et bagages idéologiques, il met le cap à l’Est.
Le mouvement hippie ne s’est pas cantonné à son lieu de naissance, la côte Ouest des États-Unis. Très vite, il franchit l’Atlantique et répand à travers toute l’Europe une culture basée sur la non-violence et la vie en communauté, à base de rock psychédélique et de guitare folk. Le Royaume-Uni, toujours à l’écoute de ce qui provient de l’Oncle Sam, devient sa tête de pont. En 1968, les californiens du Jefferson Airplane contribuent grandement à ce phénomène en se produisant pour un festival organisé par 3 frangins souhaitant recueillir des fonds afin d’offrir à Wight, une ile perdue au sud de l’Angleterre, une piscine digne de ce nom. 8000 curieux assistent au concert. 2 ans plus tard, ils seront 600 000. Jimmy Hendricks ( encore lui ), The Doors, The Who, Joan Baez, Leonard Cohen, Emerson, Lake & Palmer, Donovan et tant d’autres écrivent lors de cette troisième édition, l’une des plus fameuses pages de la culture hippie en la faisant entrer dans le registre mainstream. L’ile mettra plus de trente ans à s’en remettre.
Ce changement de statut n’aurait peut-être pas eu lieu si les organisateurs, les frères Foulk, n’avaient eu une idée de génie. En 1969, pour la seconde édition, ils sont en effet parvenu à convaincre la plus grande tête d’affiche de l’époque à rejoindre leur programmation. Le 31 août 1969, 2 semaines après sa fuite des États-Unis, Bob Dylan monte sur scène. Et Wight devient la Jerusalem des hippies.