Au pays de Tintin
Le minimalisme, vous connaissez ?
Rassurez-vous, il ne s’agit ni d’une austère cure diététique conçue pour vous faire perdre quelques kilos superflus ni d’un programme sectaire élaboré en vue de communiquer avec une éventuelle civilisation extra terrestre mais d’un courant né aux États-Unis dans les années 60 et destiné à simplifier le discours musical.
Dans l’idée (mais pas dans la technique) ce mouvement se situe dans la continuité d’autres compositeurs américains tels Earle Brown ou Morton Feldman, eux mêmes dans le sillage de Cage. Il se présente comme une réaction à la musique sérielle et dodécaphonique incarnée par Berg, Webern, Messian qui rejetaient l’idée même de tonalité.
La musique minimaliste, également nommée répétitive, se base en fait sur la répétition et la superposition de motifs rythmiques formant un flux continu, aux variations progressives et imperceptibles aux oreilles "distraites". Terry Riley, Steve Reich et Philip Glass sont les instigateurs reconnus de ce mouvement.
La première œuvre proposée dans cette session est extraite de "Music for 18 musicians" (1976) de Steve Reich.
Nourrit de jazz et de musique africaine, Reich reproche à la musique dodécaphonique, alors dominante, d’avoir perdu le sens de la pulsation. Influencé par les travaux issus de la musique électronique, proche collaborateur de Terry Riley, il écrit ses premières œuvres de musique répétitive en 1967 avant de s’imposer très vite comme l’un des pionniers du minimalisme.
Le deuxième extrait, Tabula Rasa" (1977), est signé Arvo Pärt, compositeur dont la réputation a dépassé les limites de son Estonie natale lorsqu’il commença à élaborer un style très personnel qu’il nomme lui-même tintinnabulli. Hommage au dessinateur Hergé pensez-vous ? Pas vraiment...Car voici ce qu’il en dit :
« Je travaille avec très peu d’éléments - une ou deux voix seulement. Je construis à partir d’un matériau primitif - avec l’accord parfait, avec une tonalité spécifique. Les trois notes d’un accord parfait sont comme des cloches. C’est la raison pour laquelle je l’ai appelé tintinnabulation »
Ça coule de source, non ?
Il s’agit en quelque sorte de l’écho en Europe du mouvement né aux États-Unis. Arvo Pärt intègre le minimalisme dans des compositions très touchantes où les flux jaillissent du silence puis disparaissent pour à nouveau réapparaitre, le tout ponctué de sons évoquant les tintinnabules. Dans "Tabula Rasa", c’est le piano préparé qui détient ce rôle.
Pour les kilos superflus, il ne faut pas rêver. Mais le minimalisme c’est peut-être finalement un bon moyen pour communiquer avec les extraterrestres...
El Roze