Black President
Le 12 aout 1997, un million de personnes envahissent les rues de Lagos pour rendre un dernier hommage à Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti, plus connu par son nom de chanteur, musicien et défenseur des droits civiques, Fela Kuti.
Né dans une famille bourgeoise, Fela quitte à 20 ans le Nigeria pour entamer des études de médecine à Londres selon le souhait de son père, lui-même médecin. Une fois sur place, c’est pourtant au Trinity College of Music qu’il décide de s’inscrire et fonde trés vite son premier groupe, tourné vers le jazz.
De retour au Nigeria, il incorpore peu à peu dans ses compositions la musique locale, le highlife. Mais c’est lors d’un séjour aux États-Unis, au contact notamment des Black Panthers que sa carrière prend un tournant revendicatif.
Il fonde alors dans un quartier déshérité de Lagos la Kalakuta Republic, sorte de complexe regroupant un studio d’enregistrement, une vaste maison pour loger sa famille et tous les membres de son groupe, un night-club, et même une clinique privé. Désormais ouvertement en guerre contre la dictature militaire, Fela déclare sa "république" indépendante du Nigeria.
Les albums dénonçant la corruption et l’illégitimité de l’armée s’enchainent. La destruction du complexe par des soldats au cours de laquelle sa mère trouvera la mort n’y changeront rien. Fela jouit dorénavant d’une aura internationale et les médias du monde entier dépeignent son portrait. En mélangeant highlife, rock, funk et jazz, il crée aux cotés du batteur Tony Allen, d’une section de cuivres puissante et d’un chœur composé de ses 27 épouses, un nouveau genre musical, l’Afrobeat.
Devenu porte parole des classes laborieuses, créant son propre parti, Fela Kuti n’aura de cesse de louer le panafricanisme et de s’opposer au post-colonialisme. Ses concerts, toujours plus proches du meeting politique, sont l’occasion de conspuer tout autant les dictateurs africains que Ronald Reagan, Margaret Thatcher et les dirigeants de l’apartheid.
Incapable de se taire malgré les tortures infligées au cours de ses réguliers séjours en prison, c’est finalement le sida qui aura raison du Black President. 20 ans après sa mort, sa musique et ses paroles résonnent toujours. "Because truth can never die".
Une session compilée par Pafasil.
Les extraits d’interviews proviennent notamment du film Finding Fela réalisé par Alfred Gibney.