Et il n’est pas content
Pour cette seconde session des musiques de films consacrés à la science-fiction, El Rozé nous entraine des années 70 à nos jours, à la rencontre des grands maitres du genre, situés de part et d’autre de l’Atlantique.
Ca va, vous êtes confortablement installés dans un transat, un cocktail à la main et des friandises de l’autre, pour découvrir cette nouvelle séance ? Alors, allons-y. Comme tout bon ciné-club qui se respecte, on vous donne quelques pistes d’approche.
D’abord, pour faire le lien avec la session précédente couvrant les années 50 et 60, rien de mieux que La Guerre des Mondes, le classique de H.G Wells, adapté en 2005 par Steven Spielberg.
C’est à John Williams, multi oscarisé, considéré comme une référence dans le domaine de la musique cinématographique, et collaborateur attitré de Spielberg depuis son tout premier film, que le réalisateur demande sans surprise de composer la bande originale. Une musique sombre, de fin du monde pourrait-on dire, destinée à provoquer l’effroi suscité par une invasion de Martiens utilisés ici comme symboles d’une puissance capable de tout exterminer et faisant aussi bien référence aux massacres commis par les Européens durant leurs œuvres « civilisatrices » en Afrique, qu’à la résistance d’enfants palestiniens armés de pierre face aux chars israéliens, comme à la stupeur provoqué par les attentats du 11 septembre 2001 aux U.S.A.
Mais revenons quelques décennies en arrière. Les années 70 et leurs deux chocs pétroliers font figure d’immense gueule de bois après l’euphorie qui suivit mai 68. Le monde prenant soudainement conscience du caractère éphémère des énergies fossiles, à la guerre toujours aussi froide entre l’Est et l’Ouest s’ajoute désormais un péril environnemental qui ne fera que s’aggraver.
Du coté soviétique, Edward Artemiev se charge de mettre en musique les films Stalker et Solaris de Tarkovski. Dans le premier, œuvre toute aussi angoissante que fascinante où les protagonistes tentent de pénétrer dans une vaste zone interdite sans que l’on connaisse la raison motivant cette interdiction et anticipant ainsi la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le compositeur soviétique utilise une panoplie de synthétiseurs et d’instruments traditionnels auxquels il ajoute des effets sonores afin d’atteindre le but recherché par Tarkovski : utiliser la musique plus comme une force émotionnelle capable de compléter l’image plutôt qu’un simple accompagnement sonore. Pour Solaris, dépeignant la vie impossible à bord d’une navette spatiale, Artemiev s’appuie sur un chant choral de J.S Bach autour duquel il joue de multiples variations toujours à l’aide de synthétiseurs, contribuant à faire de la navette un endroit où les sentiments et les émotions se brouillent.
Pour retranscrire l’ambiance sombre et oppressante de son premier Alien, Ridley Scott fait lui appel à Jerry Goldsmith, dont l’érudition et la force de composition lui ont déjà valu un Oscar. Véritable musicologue, il utilise de nombreux instruments rares ( serpent, cor à 6 trous, conque indienne et polynésienne, chalémie, didgeridoo ) qu’il retravaille ensuite électroniquement afin d’obtenir ce son étrange, plutôt baveux et visqueux, caractéristique du film.
John Carpenter de son coté crée la surprise en 1982 lorsqu’il demande à Ennio Morricone de signer la bande originale de sa Chose. D’abord parqu’il composait jusque là lui-même les musiques de ses films. Ensuite parce que le compositeur italien est alors plus associé aux spaghettis, fussent-elles servies dans une plaine désertique de l’Ouest americain, qu’à la science fiction. Mais ce serait sans compter sur l’admiration que lui voue le cinéaste et aussi sur le fait que le travail énorme nécessité par la réalisation du film privait celui-ci de s’attaquer à la musique. Point de mélodie sifflée, ni d’harmonica larmoyant, Morricone revient ici vers des instruments plus classiques telles la harpe et le violon, associés à l’incontournable synthé.
Pour finir, Arrival de Denis Villeneuve, est l’occasion pour le compositeur Johan Johannsson, déjà signataire de la musique de deux précédents opus du réalisateur canadien ( Sicario et Prisoners ) d’apprendre à avaler des couleuvres. En effet, alors que Johannsson avait déjà écrit une pièce A Cappella pour les séquences d’introduction et de clôture, c’est finalement un morceau de Max Richter qui fut retenu au montage final. Bien que tout le reste du film soit écrit par Johannsson, Villeneuve considérait que la musique de Richter, "On the Nature of Daylight", pourtant déjà utilisé par Martin Scorcese dans Shutter Island convenait mieux à ces séquences. Johannsson, pas rancunier pour un dollar, a accepté de faire la bande originale du prochain Blade Runner 2049, réalisé par...Denis Villeneuve.
Bonne projection !
Session 2 - 1970-actu
1-War of the Worlds (2005),Steven Spielberg,John Williams - Prologue
2-Stalker (1979), A.Tarkovski, Edward Artemiev - Train
3-Solaris, (1972), A.Tarkovski, Edward Artemiev - XI
4-Alien (1979), Riddley Scott, Jerry Goldsmith
5-The Thing (1982), John Carpenter, Ennio Morricone
6-Arrival (2016), Denis Villeneuve, Johan Johannsson & Max Richter