Les micros-comptoirs

La Paix

Une centenaire qui tousse

Les mandarins qui gèrent l’épidémie aiment à parler de guerre. Ils font même du terme un usage littéral et non métaphorique. Pourtant, s’il s’agissait réellement de guerre, qui mieux que les États-Unis y eût été préparé ? Si, au lieu de masques et de gants, leurs soldats avaient eu besoin de bombes surpuissantes, de sous-marins, d’avions de chasse et de têtes nucléaires, aurait-on assisté à une pénurie ?

Au nombre des "mandarins" vilipendés par l’écrivaine et militante indienne Arundhati Roy dans le journal Le Monde, auteure du "Dieu des Petits Riens" - prix Booker en 1997 - retraçant la vie de jumeaux, Estha et Rahel, dont l’enfance fut frappée par un évènement traumatisant qui les a séparés, on compte les présidents français Emmanuel Macron et americain Donald Trump. Ce dernier, après avoir minimisé les dégâts causés par la pandémie, s’est par la suite, dans un brusque revirement dont lui seul a le secret, comparé à "un président en temps de guerre", face à un "ennemi invisible". Des mots prononcés quelques jours après ceux de son homologue Français : « Nous sommes en guerre » martelait le président de la République le 16 mars 2020 pour justifier chacune de ses décisions, dont le confinement généralisé de la population, au prix d’une récession économique aux effets dévastateurs.

Partir en guerre, soit. Aligner les poncifs du genre " ligne de front", "bataille", "mobilisation générale" et plonger les populations dans un état d’hébétude généralisée, ok. La méthode est connue : Nicolas Sarkozy avant de bombarder la Libye et François Hollande avant de faire de même en Syrie, en Irak, au Mali, et en Centrafrique font partie de ceux l’ayant éprouvé. Mais ensuite ? Comment obtenir un cessez-le-feu avec un virus ? Comment signer un armistice avec une pandémie ? Comment même saisir cet "ennemi invisible", "un virion de 50 à 200 nanomètres de diamètre dont l’ARN monocaténaire se compose de 29903 nucléotides" comme disent les experts ?

Aucun char Leclerc, aucun Rafale, aucun drone, aucun sous-marin à propulsion nucléaire ne mettra un terme au "conflit". Mais plutôt des masques, des tests, des appareils respiratoires au coût de revient bien inférieurs à toutes ces armes sophistiquées comme le souligne Arundhati Roy. Etats-Unis, France, Espagne, et Italie sont parmi les plus gros exportateurs d’armements au monde. Ils comptent aussi parmi les pays où le virus cause le plus de ravages.

Alors, plutôt que d’endosser un costume de chef d’état major des armées, une attitude séduisant les foules dans un premier temps, toujours heureuses de voir partir la fleur au fusil ses jeunes soldates/infirmières, clapées du haut des balcons quand on leur promet une guerre éclair à la victoire facile dont elles reviendront couvertes de gloire, si nous parlions du jour d’après ? D’un monde où les rivalités géo-politiques céderaient le pas à la collaboration internationale ? Si au lieu de fermer les frontières et de prôner la distanciation sociale, on mettait l’accent sur le brassage génétique comme moyen naturel de renforcer les défenses immunitaires ? Ces questions, dont la naïveté ne nous échappe pas, devront pourtant bien se poser un jour ou l’autre.

Pour l’heure, et puisque cette naïveté nous l’assumons, l’une de nos équipes a préféré demander à des enfants ce que signifiait pour eux la paix. Réponses en musique comme toujours. Et à l’heure du goûter pour une fois.